Tacite prolongation du bail commercial et risque de déplafonnement

Le statut des baux commerciaux confère au locataire une protection certaine lors du renouvellement de son bail. Toutefois un bail poursuivi tacitement au-delà de 12 ans est automatiquement déplafonné. Une grande vigilance s'impose.

Fiche actualisée il y a 2 mois

Le statuts des baux commerciaux et la règle du plafonnement

Primauté du droit d'entreprendre sur le droit de propriété

Régi par les articles L145-10 et suivants du Code de commerce, le statut des baux commerciaux se veut protecteur des intérêts du preneur afin de permettre aux exploitations commerciales de perdurer. Ce statut confère au preneur un droit au maintien.

Cela se traduit par des dispositions impératives sur la durée du bail qui ne peut être inférieure à 9 ans, les formes du congé et le plafonnement du loyer.

La loi Pinel est venue renforcer ce principe en mettant en place un mécanisme de lissage du déplafonnement des loyers à hauteur de 10 % par an pour les baux signés ou renouvelé à partir du 1er septembre 2014. Toutefois ce dispositif n'est pas impératif et les parties peuvent expressément l'écarter.

Le principe du renouvellement avec loyer plafonné

A l'expiration des 9 années, si aucun congé n'est délivré, et si le preneur reste dans les lieux, le bail se prolonge par tacite reconduction, conformément à l'article L145-9 alinéa 2 du Code de commerce. Cette tacite reconduction est à durée indéterminée.

Lors du renouvellement , le statut des baux commerciaux confère au locataire une protection importante. En effet l'article L145-33 du Code de commerce prévoit que le montant des loyers des baux renouvelés doit correspondre à la valeur locative.

Cependant, l'article suivant stipule qu'à moins d'une modification notable des éléments de détermination de la valeur locative, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à 9 ans, ne peut excéder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction (indice INSEE) ou de l'indice trimestriel des loyers commerciaux (ILC).

Cette règle est ainsi très protectrice des intérêts du preneur qui verra son loyer renouvelé au bout de 9 années, en principe fixé en application des indices INSEE du coût de la construction et des loyers commerciaux (ILC) et non pas à la valeur locative.

La reconduction tacite de plus de 12 ans et le risque de déplafonnement

L'article L145-34 alinéa 2 du Code de commerce prévoit toutefois une exception au principe protecteur sus exposé lorsque le bail est prolongé au-delà de 12 ans.

La durée du bail peut, par l'effet de la tacite reconduction, excéder 12 années. Dans ce cas, l'article L145-34 précité qui organise le plafonnement, l'exclut pour les baux dont la durée excède 12 années. Le loyer sera automatiquement déplafonné à partir de la 13ème année et le bailleur pourra faire fixer le loyer à la valeur locative réelle au jour du renouvellement. Le preneur aura alors perdu la protection du loyer plafonné.

Exemple 1 : La société « Plafond de Verre » loue depuis 2007 un local d'entreposage en centre ville pour un loyer initial très bas de 1 000 € par mois (la crise aidant à l'époque). En 2016 le bail a expiré et s'est poursuivi tacitement. Heureusement comme la société avait un bon expert comptable, elle a fait renouveler le bail en 2017. Après prise en compte de la variation de l'ICC correspondant (1 385 en 2007 et 1 650 en 2017, le loyer mensuel a été porté à 1000*1650/1385 = 1 191 €). Plutôt pas mal car le quartier s'est modernisé, et le bailleur envisageait de changer la destination des lieux pour encaisser un loyer plus élevé, la zone étant devenue plus attractive pour le tertiaire. Heureusement le bailleur louait un autre local juste à côté…

Exemple 2 : La société « Ça pique » loue depuis 2007 un local d'entreposage juste à côté de « Plafond de verre  », même loyer (et oui). En 2016 le bail a expiré et s'est poursuivi tacitement. Cette société était mal conseillée, elle n'a pas fait renouveler le bail. Puis un jour, en 2020, elle reçoit un courrier de son bailleur par voie d'huissier, tiens tiens… celui-ci lui adresse un congé avec offre de renouvellement. Il précise que le nouveau loyer, établi par voie d'expert sur la base des facteurs locaux de commercialité s'élèvera désormais à 3 500 €/mois.
...aïe
Le preneur décidera alors de contester l'offre devant le juge. Quelques mois plus tard, le juge donnera raison au bailleur. Le preneur n'aura d'autre choix que de quitter les lieux qui par suite seront réaménagés et loués par une établissement bancaire. Fin de l'histoire.