Comment reconstituer les capitaux propres d'une société ?

Synthèse des opérations possibles pour reconstituer les capitaux propres d'une société.

Fiche actualisée il y a 3 ans

Une nécessité suite à la « perte de la moitié du capital »

La consultation des associés est nécessaire lorsque la société présente à l'issue d'un exercice donné, des capitaux propres dont la valeur est inférieure à la moitié du capital social.

Une fiche information est disponible à propos de la perte de la moitié du capital.

La société dispose d'un délai de deux exercices suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue pour régulariser sa situation, c'est à dire avoir à nouveau des capitaux propres d'un montant supérieur à la moitié de son capital social. Le point de départ est l'AGO d'approbation des comptes, pas la clôture de l'exercice suivant l'AGO d'approbation des comptes.

La loi 2023-171 ajoute une étape supplémentaire permettant à la société d'échapper au risque de dissolution. Si la société n'a pas reconstitué les capitaux propres à concurrence d'un montant au moins égal à la moitié du capital social dans le délai requis et que ce capital est supérieur au seuil fixé par le décret n° 2023-657 du 25 juillet 2023, la société devra réduire son capital pour le ramener à une valeur inférieure ou égale à ce seuil dans un délai de 2 ans supplémentaire (alinéa 4 nouveau).

La société dispose donc d'un délai de régularisation fixé à quatre exercices comptables et les sociétés échappent à la sanction de la dissolution même si leurs capitaux propres demeuraient inférieurs à la moitié du capital social, si elle réduise leur capital social selon les modalités susvisées.

Fondement légal: L223-42 et L225-248 du Code de commerce.

Par exemple : A la clôture de l'exercice le 31 décembre 2022, la société PLUMEE au capital de 10 000 € présente un total de capitaux propres de 2 000 €, conséquence d'une mauvaise année qui a occasionnée des pertes importantes (capital social = 10 k€ + réserves et report à nouveau = 1 k€ + perte de l'exercice 2022 = -9 k€). L'Assemblée générale d'approbation des comptes tenue le 30 juin 2023 a constaté cette perte. Les associés ont par la suite été consultés en octobre 2023, conformément à la loi. Ils ont écarté la dissolution anticipée de la structure. Deux ans plus tard, la société PLUMEE n'a pas reconstituée ses capitaux propres. Le total de bilan du dernier exercice (31/12/2024) est alors de 3 000 €. La société doit donc réduire son capital social dans un délai de 2 ans. Cela a été fait par décision d'une AGE tenue en 2025 qui a réduit le capital à 5 000 €.

Les opérations possibles pour reconstituer les capitaux propres d'une société

Opérations réalisables à priori : Amélioration du résultat par abandon de créances

Ce procédé permet d'éviter de constater la perte de la moitié du capital. Ici, avant la clôture de l'exercice, un ou plusieurs associés présentant un compte courant suffisant peuvent consentir, au profit de la société, un abandon de tout ou partie des sommes qui y figurent, avec clause de retour à meilleure fortune, à hauteur du montant nécessaire pour compenser le résultat occasionnant la perte de la moitié du capital.

Aucun formalisme n'est requis. L'opération s'effectue en franchise d'impôt sur le revenu pour l'associé.

Exemple : La société PLUMEE a un bon comptable. Celui-ci a anticipé le résultat négatif de l'exercice 2022. Il propose à son client un rendez-vous début décembre 2022, après avoir constaté que les comptes courants des deux associés présentent des soldes créditeurs suffisamment important (20 k€ au global) pour compenser le résultat. Il suggère alors aux associés de consentir avant la clôture de l'exercice un abandon de créance inscrite sur leur compte courant d'associé, à hauteur de 9 000 €. Cet abandon de créance sera comptabilisé en produit exceptionnel et permettra de clôturer l'exercice avec un résultat nul. Il sera assorti d'une clause de retour à meilleure fortune afin de garantir les associés de recouvrer leur créance auprès de la société une fois que cette dernière aura rétabli sa situation financière.

Opérations réalisables à priori : Comptabilisation de la production immobilisée

La production immobilisée désigne toutes les immobilisations créées par l'entreprise et conservées par celle-ci en vue de leur immobilisation dans le bilan. Contrairement à la production classique, la production immobilisée est produite par l'entreprise avant d'être conservée.

Exemple : Une entreprise créé un logiciel en interne pour sa gestion.

Cette notion est particulièrement intéressante pour une entreprise du domaine de l'innovation, qui n'enregistre aucun chiffre d'affaires au démarrage, mais qui pour autant a créé de la richesse en développant en interne son produit. Si cette entreprise avait sous-traité la réalisation du logiciel à un prestataire externe, elle aurait comptabilisé cette dépense en tant qu'investissement.

C'est pour cette raison que la production immobilisée existe, à la fois pour enregistrer l'augmentation des immobilisations que l'entreprise a produite mais également pour mesurer la performance créée à travers le travail effectué.

Comptablement, cela revient à débiter le compte d'immobilisation de classe 2 (23 si l'immobilisation n'est pas achevée) à l'actif du bilan. En contrepartie, le compte 72 « production immobilisée » au compte de résultat est crédité.

Exemple : Une entreprise créé un logiciel en interne pour sa gestion, en 2022. Le coût évalué est de 10 000 euros - représenté par le temps passé par les équipes internes au développement du logiciel. Le bilan au 31 décembre 2022 comptabilisera 10 000 euros en immobilisation incorporelle (à l'actif). Le compte de résultat (production immobilisée) augmentera du même montant. Cela neutralisera les charges de personnel consacré à ces travaux. Les exercices suivants intégreront toutefois le plan d'amortissement de cet actif qui viendront augmenter les charges mais sur plusieurs exercices.

En conclusion, comptabiliser de la production immobilisée est intéressant pour une entreprise en situation de déficit car cela permet de neutraliser le coût de production dans le résultat lors de la création de l'immobilisation. Ce coût est ensuite étalé (amorti) sur plusieurs exercices pendant l'utilisation du bien créé.

Opérations réalisables à priori : Réévaluation des actifs immobilisés

La reconstitution des capitaux propres par voie de réévaluation libre des actifs immobilisés est d'une portée assez limitée.

Il est nécessaire que la société dispose d'immobilisations corporelles et/ou financières ayant une valeur supérieure à celle constatée au bilan. La réévaluation doit porter sur l'ensemble des immobilisations éligibles, elle ne peut pas porter que sur une partie de ces immobilisations.

La réévaluation consiste à déterminer la valeur actuelle de chaque immobilisation corporelle et/ou financière, c'est à dire sa valeur d'utilité. L'écart de réévaluation est inscrit parmi les capitaux propres de la société. En contrepartie, on constate à l'actif une augmentation de la valeur nette comptable des immobilisations réévaluées.

Cette technique est à utiliser avec précaution car sujette à imposition au plan fiscal, et sera conseillée pour les sociétés imposables à l'impôt sur les sociétés disposant de reports déficitaires au moins égaux à la réévaluation envisagée.

Les immobilisations incorporelles sont à exclure de ce dispositif.

Opération réalisable à posteriori : Augmentation de capital

La reconstitution des capitaux propres par voie d'augmentation de capital social permet à la société d'être renflouée en disposant de nouveaux fonds. En contrepartie, cela oblige les associés à apporter à nouveau de l'argent (en injectant de nouveaux fonds ou via rémunération avec des créances en compte courant) et/ou à accueillir de nouveaux partenaires, et donc à subir éventuellement une dilution voire une perte de contrôle sur la société.

Il conviendra d'être très vigilant ici sur l'information donnée aux associés et investisseurs qui devront être parfaitement informés des motifs de l'opération au regard des perspectives d'avenir de la société.

Opération réalisable à posteriori : Réduction de capital

Cette opération n'est possible que si la société dispose d'un capital social suffisant pour permettre la régularisation de la situation. Elle est limitée pour les SA qui doivent avoir un capital minimum.

Elle est généralement suivie d'une augmentation de capital.

Opération réalisable à posteriori : « Coup d'accordéon »

La réduction de capital social peut être employée en amont d'une augmentation de capital social, il s'agit d'une opération appelée « coup d'accordéon ». La réduction de capital vise à apurer les pertes pour assainir la situation, puis l'augmentation de capital permet de renflouer la société.

Sanctions

A défaut de reconstitution des capitaux propres dans le délai de quatre ans imparti, tout intéressé peut demander au Tribunal de commerce de prononcer la dissolution de la société. Le tribunal peut alors accorder un délai de 6 mois supplémentaires pour régulariser.

Attention, si la régularisation n'a pas eu lieu passé ce délai, le juge ici n'a pas de pouvoir d'appréciation et doit prononcer la dissolution.

En outre, la responsabilité civile du dirigeant peut être mise en cause en cas d'inaction de sa part préjudiciable à la société.

Formalités liées à la régularisation des capitaux propres

Les formalités légales à accomplir pour reconstituer les capitaux propres d'une société dépendent de la méthode choisie (augmentation de capital social, réduction de capital social). Il faut donc suivre la procédure prévue pour le type d'opération réalisée.

A noter que la société ayant régularisé sa situation peut demander que la mention de la perte de la moitié du capital soit supprimée du RCS. Elle doit alors déposer au greffe l'acte constatant la reconstitution de ses capitaux propres. Aucune formalité de publicité légale n'est requise.

Ce point est particulièrement important pour l'image de la société vis-à-vis de ses partenaires, clients et fournisseurs. En effet sans cela, le Greffe continuera de délivrer un extrait Kbis faisant figurer la mention de la perte de la moitié du capital alors que la société aura régularisé cette situation.